Hello à vous !
Vous prendriez bien un verre de lait ?
Quoi… non ?
Vous ne savez pas, ou plus trop ?
Ben oui, s’il y a bien un aliment qui fait couler de l’encre sur les réseaux sociaux, c’est LE LAIT DE VACHE …
En tant que diététicienne, je suis régulièrement confrontée à la question du lait : bon ou mauvais ? Adapté à l’homme ou non ?
Pour cette raison, je me suis dit qu’une petite mise au point pourrait être utile.
Le lait : bonne ou mauvaise idée ?
Alors, sachez tout d’abord que je ne suis sponsorisée ou influencée par aucun des deux protagonistes : ni l’industrie laitière ni les marques « anti-laits ».
En tant que professionnelle de la santé, je me dois de rester prudente par rapport à toute forme de communication abusive ou pauvre en fondements scientifiques.
C’est pourquoi je vous propose de passer en revue toutes les affirmations que j’ai vu passer sur internet… A vous ensuite de juger.
Mais qui sont donc les PRO et les ANTI- lait ?
Pour chaque thématique controversée, je vous expose de façon simplifiée les points de vue des deux « camps ».
Mais qui sont ces fameux camps ?
De façon assez simpliste, nous pouvons généraliser de la sorte :
Les PRO : L’industrie laitière, une bonne partie de la communauté scientifique (haaa ces vendus, diront certains), les diététiciens… ont des discours que l’on pourrait qualifier de « pro-lait ».
Les ANTI : L’industrie (et la population) Végan, des nutrithérapeutes (source : JP Curtay), des adeptes de médecine alternative, des gens fortement impliqués dans la cause animale ou écologique… sont à mettre dans le camps opposé.
Ok, cela peut faire « cliché » mais ce sont des tendances repérées sur le net. Pardonnez-moi (et informez-moi) si je me trompe.
Alors, passons un peu en revue les différentes affirmations rencontrées.
La composition du lait
L’avis des « pro »
Tout d’abord, pour les « pro », c’est bien simple : la consommation de lait est bénéfique pour la santé, car cet aliment comprend plein de nutriments intéressants.
Le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) a sorti récemment son programme : « manger et gagner des années de vie ». Ce programme s’est basé sur une méthodologie super rigoureuse pour reprendre 12 recommandations. L’objectif étant principalement de lutter contre le surpoids et l’obésité.
Ainsi, au numéro 6 de ces recommandations, on peut lire :
Consommer entre 250 et 500 ml de lait ou de produits laitiers par jour. En cas de consommation inférieure, il faut être attentif aux apports d’autres sources de protéines, de calcium et de vitamines.
C’est donc bien là le principal attrait des produits laitiers : sa composition ! Le lait contient des acides aminés de bonne qualité. Il est une source naturelle de vitamines A, D, B2, B12, d’iode, de phosphore, de calcium, de potassium. La matrice du lait assurerait une bonne disponibilité du calcium ingéré (aux environs de 35%).
L’avis des « anti »
Niveau composition, les arguments anti-laits sont : « Oui ok, le lait contient plein de choses, mais il y a des alternatives, tel que le lait de soja ». Ce dernier est en effet une source naturelle de protéines végétales, de magnésium. S’il n’est pas bio, il sera enrichi en calcium, B2 et B12 .
Attention cependant avec les versions bio des laits végétaux (soja, riz, avoine, amande, noisettes…) : ils ne sont pas enrichis en calcium ! En plus, la plupart sont très pauvres en protéines.
Niveau calcium, on peut aussi très bien en obtenir en mangeant des fruits secs, des légumes verts, des poissons à arêtes, certaines eaux etc…
Enfin, certains nutrithérapeutes affirment que des produits laitiers comme le fromage bloqueraient l’absorption du calcium du lait par la formation de savons insolubles entre le calcium et les acides gras saturés. Si c’était le cas, ce serait en effet fort embêtant…
La digestion du lait
L’avis des « ANTI »
Le lait de vache est indigeste. L’intolérance au lactose est physiologique, et notre corps n’est tout simplement pas fait pour absorber du lactose.
D’ailleurs, selon les nutrithérapeutes, le lait est la première source d’intolérance alimentaire.
« Le lactose et les graisses saturées présents dans le lait ne permettent pas à l’estomac humain de le digérer correctement. La caséine présente dans le lait, se colle aux parois intestinales, obligeant le corps à produire des anticorps en très grand nombre et générant de ce fait des inflammations »
La réponse des « PRO »
Depuis 7500 ans, la capacité à digérer le lait n’a cessé d’augmenter, particulièrement dans les pays occidentaux. Nos ancêtres vivaient avec leurs troupeaux de vaches et le système digestif s’est habitué à consommer du lait.
Par ailleurs, un intolérant au lactose tolère souvent jusque 12 g de lactose par jour. Ceci correspond à un verre de lait.
Le lait et l’ostéoporose
Le débat sur le lait est intimement lié à la problématique de l’ostéoporose, cette fragilisation du squelette avec l’âge.
Qu’en disent les « PRO » ?
Riche en calcium, relativement bien absorbé, le lait a un effet protecteur au niveau de l’ostéoporose.
Cet effet protecteur est également lié à un apport suffisant en vitamine D et à une activité physique régulière. Des facteurs génétiques et l’apport en phosphore sont également à prendre en compte dans la genèse de l’ostéoporose.
L’effet bénéfique mis en avant par les « pro-laits » serait lié à la matrice du lait, comprenant du phosphore (bon rapport phospho-calcique) et des protéines (ainsi que de la vitamine D dans certains pays).
L’absorption intestinale du calcium est de plus favorisée par la richesse en protéines du lait, la présence de lactose et les phosphopeptides de caséine.
Et les « ANTI « ?
Evidemment, vous vous en doutiez, les « anti-laits » rejettent ces arguments en bloc…
L’argument le plus rencontré est le suivant : les pays où il y a le plus d’ostéoporose sont aussi ceux où l’on consomme le plus de produits laitiers. Ceci est ce qu’on appelle le « paradoxe du calcium ». Ce paradoxe pourrait s’expliquer par un excès de protéines en général dans l’alimentation.
Un autre argument rencontré sur le web est le suivant :
« Bien que le lait de vache contienne du calcium, des études scientifiques ont démontré qu’au lieu de renforcer les os, le lait de vache produit l’effet inverse : Malgré la présence de calcium (difficilement assimilable), la structure du lait de vache a des effets acidifiant et désalcalinisant sur le Ph du corps humain et cette acidité va engendrer une décalcification des os et donc bien souvent des blessures. »
Notons que cette théorie sur l’effet acidifiant est fortement contestée par le monde scientifique.
Le lait et le poids
L’avis des « anti »
Une accusation souvent entendue concernant le lait est qu’il fait grossir ! Le lait contiendrait des facteurs de croissance, qui contribuent à l’épidémie de l’obésité.
« Un lait, qui rappelons-le est optimisé pour faire passer en six mois un veau de 35 à 250 kilos…Les hormones de croissance contenues dans le lait de vache sont destinées au veau, pas à l’homme ! »
Selon le nutrithérapeute JP Curtay :
- Les protéines ont un rapport arginine/lysine faible qui potentialise l’absorption des graisses du repas.
- Les protéines des produits laitiers stimulent la sécrétion d’insuline, un facteur lipogénétique toujours impliqué dans le surpoids, un accélérateur du vieillisssement et un facteur de croissance des cancers…
L’avis des « PRO »
Aucune preuve scientifique à ce jour ne laisse à penser que les produits laitiers font grossir. Le CSS 2019 a conclu a une absence de consensus à ce sujet. Les études épidémiologiques et d’intervention tendraient justement à prouver le contraire.
Dans un régime normo-énergétique, les produits laitiers ne font pas prendre du poids.
Dans un régime hypocalorique, la présence de produits laitiers contribuerait à la perte de poids.
Ceci serait dû notamment :
- Au calcium: stimulation de la lipolyse, réduction de la lipogénèse, augmentation de l’oxydation des graisses ; au niveau intestinal le calcium des PL se lierait aux graisses ; hypothèse qu’un manque de calcium augmenterait la faim…
- Aux proteines : épargne musculaire (notamment grâce aux acides aminés branchés et au whey)
- Aux acides gras à moyennes chaines : lipogénèse, satiété, régulation de l’appétit. Ces acides gras sont produits notamment dans le colon, par fermentation des fromages.
Et ces fameux facteurs de croissance (IGF-1)?
Après analyse de l’ensemble de la littérature scientifique pertinente, l’Anses a établi la constatation suivante :
- L’IGF-1 alimentaire est très faiblement absorbé par le tube digestif,
- La teneur en IGF-1 du lait est fortement réduite par les traitements UHT et de pasteurisation (>95% du lait consommé en France),
- La quantité d’IGF-1 exogène laitier absorbée est faible au regard de la quantité d’IGF-1 endogène circulante (l’IGF-1 naturellement produit par l’organisme).
Le lait et les maladies cardio-vasculaires
L’avis des « anti »
Le lait est riche en graisses saturées et favorise donc le mauvais cholestérol.
« Une consommation importante de lait ou de produits laitiers augmente la quantité de l’homo-cystéine plasmatique dans le sang ce qui favorise la présence et l’augmentation de mauvais cholestérol. Le mauvais cholestérol est responsable de la plupart des maladies cardio-vasculaires »
Selon le nutrithérapeute Curtay : les acides gras sont majoritairement saturés et trans, les deux types d’acides gras les plus délétères sur le surpoids, la santé cardiovasculaire, les risques allergiques et inflammatoires, le métabolisme des PUFA, le développement cérébral etc.
Les acides gras positifs (omega 3 et CLA), souvent mis en avant par les « pro », ne sont présents que chez les vaches qui broutent l’herbe en extérieur.
L’avis des « pro »
Le lait contient effectivement deux tiers de graisses saturées, mais aussi d’autres composants. Le risque lié à la présence de graisses saturées est de plus en plus nuancé par la communauté scientifique, notamment de par la petite taille des graisses laitières. Dans un contexte cardio-vasculaire, les diététiciens « n’imposent » d’ailleurs plus les produits laitiers allégés.
Selon les « PRO », il faut tenir compte de l’effet matrice du lait et non des composants individuels du lait. Cet effet matrice serait protecteur vis-à-vis des maladies cardiovasculaires et de l’hypertension artérielle :
- Calcium : effet sur la tension artérielle, le poids, le diabète, et la réduction des graisses dans intestin (par liaison avec le phosphate de calcium)
- Peptides bioactifs : effet sur la coagulation, l’inflammation, la rigidité artérielle
- Acides gras à courte chaine dans le colon
- Acide linéique conjugué (cis 9, trans 11 CLA) et acide palmitoleique trans (trans C16-1) auraient un effet bénéfique au niveau CV
- Présence de magnésium et de potassium
D’ailleurs, selon le CSS 2019 : « dans le cadre de la santé cardio-vasculaire, toutes les formes de Produits Laitiers (maigres à entiers) sont recommandées ».
Lait et diabète
Les « Anti »
Selon certaines sources, les protéines des produits laitiers génèreraient chez certains des auto-anticorps associés au risque de diabète de type 1.
Les « PRO »
Les graisses laitières diminuent vraisemblablement le risque de diabète de type 2 !
En 2018, 16 études prospectives ont été rassemblées au travers de ce consortium baptisé FORCE (Fatty Acids and Outcomes Research Consortium), totalisant 63 682 adultes exempts de diabète de type 2 à l’inclusion et suivis pendant plus de 20 ans. Les participants dont la consommation de graisse laitière est la plus élevée (percentile 90) ont un risque de diabète réduit d’environ 30% par rapport à ceux qui ont la plus faible consommation (percentile 10).
Ces effets sont attribués à la présence de : protéines (peptides bioactifs), calcium, magnésium et acides gras + une forme de vitamine K dans les produits laitiers fermentés. Le yaourt aurait l’effet protecteur le plus intéressant.
Le lait, cancérigène ?
C’est bien sur ce terrain-ci que la gué-guerre entre les deux clans est la plus intéressante… Voyez donc :
Le cancer du sein
Certains diront que le lait augmente le risque de cancer du sein, d’autres prétendront évidemment le contraire.
Le CSS a conclu en 2015 que la littérature scientifique disponible est relativement vaste et ne dresse pas de tableau univoque quant au rôle du lait et des produits laitiers dans le développement du cancer du sein.
Le CSS affirme, sans équivoque, qu’il n’y a aucune raison scientifique pour soutenir ou diffuser un discours «anti produits laitiers» en ce qui concerne la prévention du cancer du sein.
Le cancer du colon
A l’état actuel des connaissances, le lait semble protéger contre le cancer du colon.
- Une méta-analyse regroupant 60 études épidémiologiques (n > 26 000) a démontré une réduction de 22 % du risque chez les adultes qui consommaient des quantités plus élevées de lait et une réduction de 16 % du risque chez les personnes qui consommaient des quantités plus élevées d’autres produits laitiers.
- Dans une vaste étude de cohorte prospective (n > 36 000), on a observé une réduction de 28 % du risque de cancer du côlon chez les femmes qui consommaient des quantités plus élevées de produits laitiers et une réduction de 15 % du risque chez les hommes.
- Le calcium, la vitamine D, les ALC et acide butyrique, la menaquinone (fromages) semblent être des facteurs importants dans cet effet protecteur.
Le cancer de la prostate
Selon certaines sources, le lait favoriserait le cancer de la prostate. Ainsi, selon Curtay (nutrithérapie), « les protéines laitières stimulent la sécrétion d’IGF1, un accélérateur du vieillissement et promoteur de la croissance tumorale. De plus la richesse en leucine est pro-oncogène mTOR, proinflammatoire et accélératrice du vieillissement. »
En 2015, le rapport de l’INCA actualisé des dernières données scientifiques a conclu à une absence de lien.
Le rapport du WCFR 2017 (World Cancer Research Fund) dit par contre que la consommation de produits laitiers pourrait augmenter le risque de cancer de la prostate de 3 à 9 % chez les très grands buveurs de lait. Ce serait lié à l’augmentation des IGF 1.
Cependant, là aussi, les preuves sont limitées et pas assez concluantes pour nécessiter des recommandations nutritionnelles.
Lait et mucus, acné, cataracte…
Dans cette catégorie se trouvent des accusations diverses menées vis-à-vis du lait :
- Le lait favoriserait le mucus. Aucune preuve scientifique valable n’a néanmoins pu être déduite à ce jour à ce sujet.
- Le lait augmente la cataracte. Selon certaines sources (des années 70…), le lactose du lait augmenterait le risque de cataracte. Ici aussi, aucune preuve formelle. D’ailleurs, aucune publication scientifique récente ne semble aborder ce sujet.
- Acné et lait seraient liés. Pourtant, selon l’American Academy of Dermatology, il n’y aurait de niveau de preuve suffisante à ce sujet. L’acné est plutôt lié à l’hérédité, le type de peau, les hormones, l’environnement.
Lait et durabilité
L’avis des ANTI
Le lait n’est pas durable.
Le secteur laitier contribue à raison de 2,7% à l’émission totale des gaz à effet de serre (GES), auxquels il faut ajouter 1,3% pour la viande qui y est associée.
L’avis des PRO
Selon l’industrie laitière, l’élevage laitier utilise des terres non exploitables par l’agriculture.. De plus, moins de 10% de l’alimentation des vaches est adapté à la consommation humaine.
Ils argumentent également qu’en 15 ans, l’émission des gaz à effet de serre du lait cru a diminué de 26%.
Ceci dit, vu les enjeux écologiques, il est clair que freiner l’utilisation de l’ensemble des ressources humaines est une priorité.
Selon le rapport EAT du Lancet, un apport de 250 g/jour/personne de produits laitiers est considéré comme une limite de sécurité pour la capacité planétaire.
Conclusion
Comme vous avez pu le constater, les avis divergent fortement, et ceci ne semble pas prêt de finir, tant les pressions sont fortes des deux côtés.
En tant que diététicienne, qui pour rappel, est le seul spécialiste de la nutrition reconnu par la loi, je refuse de considérer un aliment comme néfaste. Cela n’a aucun sens. L’alimentation se doit d’être variée, raisonnée et de qualité. Les « extrémistes » alimentaires ont d’ailleurs tendance à (un peu) m’agacer…
Alors, oui, il y a des études qui se contredisent.
Et, oui, l’industrie laitière a plus de moyens pour financer la recherche.
Mais tant mieux, non ? Tout en restant pragmatique, il faudrait peut-être cesser de faire une fixation sur cela.
Car c’est grâce à la recherche qu’on avance.
Il faut quand même savoir que les études « PRO » sont dans l’ensemble des études menées sur des grands nombres de populations, ce qui n’est pas le cas de nombreuses études « anti ». Beaucoup des études « anti » ont d’ailleurs été invalidées depuis, notamment par évolution des connaissances. Le problème, c’est que ces affirmations reviennent toujours et encore pointer leur nez sur le web. De même que la théorie conspirationniste qui accuse les scientifiques d’être achetés par l’industrie.
Donc, pour finir, si vous ne souffrez pas d’allergie prouvée aux protéines de lait, et que vous appréciez cet aliment, pourquoi vous en priver ? Cet aliment continue à pouvoir être recommandé en alimentation saine et équilibrée.
Une consommation de 2 à 3 produits laitiers par jour permet d’apporter des protéines de bonne qualité, du calcium, de l’iode (attention, moins dans les laits bio que les autres), du magnésium, des vitamines B12 et B2…
Enfin, en achetant des produits locaux, de fermes à taille humaine, d’animaux bien traités, vous contribuerez à améliorer la durabilité du produit.
A bientôt !
Ingrid
Bravo Ingrid! Quel beau travail! J’aime et apprécie ta conclusion.
Bonne continuation,
Marguerite,au prénom sympa dans ce contexte … :p)
merci Marguerite ! Cela me touche que tu apprécies. A bientôt 🙂
Merci pour ce récapitulatif complet et non orienté. A chacun de faire son choix !
J’apprécie aussi ta conclusion, pleine de bon sens et de modération.