Hello à vous, amis assidus des calories !
Il était une fois un mystérieux régime que seuls les diététiciens et une poignée de leurs patients connaissaient…
Le régime sans gluten
Puis, un beau jour, quelqu’un eut une idée de génie : en faire la nouvelle icône de la nourriture saine !
Surfant sur la vague d’angoisse de la vache folle, des OGM, du fipronil des oeufs et autres lasagnes au cheval, il décida de s’attaquer à votre plat de pâtes !
Depuis lors, s’il y a bien une diète qui fait parler d’elle (et qui rapporte gros), c’est le régime No GLU…
Branchitude extrême
Car aujourd’hui, les produits sans gluten ont la côte ! Finis les jours où l’on regardait les paquets du Docteur Machin Chose (Dr Schär…) d’un air suspicieux.
Aujourd’hui, impossible de passer à côté de ces rayons des boutiques bio et des supermarchés qui regorgent de produits sans gluten.
Certaines stars Hollywoodiennes telles que Gwyneth Paltrow ou Kim Kardashian, mettent carrément en avant de prétendues vertus amaigrissantes du régime sans gluten !
Pourquoi donc, du jour au lendemain, vos lasagnes, tartines et pâtisseries sont-elles devenues persona non grata ?
Et puis, d’abord, c’est quoi, ce gluten ? Pourquoi est-il si mauvais ?
Kesako le gluten ?
Le gluten est un ensemble de protéines présentes dans de nombreuses céréales comme le blé, l’orge ou le seigle.
Cette protéine possède une « viscoélasticité », c’est-à-dire qu’elle lie les aliments et aide les pâtes à gonfler avec la levure.
Elle est pratique pour la cuisine et les industries agro-alimentaires utilisent souvent cette propriété-là pour optimiser leurs aliments et la texture de leurs produits.
Et voilà que tout le monde veut la supprimer…
Principes du régime sans gluten
Mais le gluten ne se supprime pas si facilement !
Le régime sans gluten consiste en un pointilleux travail de détective : le gluten, il y en a en effet partout…
Et pas uniquement dans les pâtes et la baguette.
De fait, lorsque vous entreprenez de faire un régime 100% sans gluten, il vous faudra aussi bannir de votre alimentation :
- Tous les dérivés du blé comme le boulgour, l’engrain, l’épeautre ou le kamut.
- les biscuits et pâtisseries
- Les aliments panés
- Certains fromages
- Certaines charcuteries
- La bière, le gin, le whisky,
- Les mélanges d’épices
- Les sauces instantanées
- Les plats préparés.
Le gluten est en effet souvent employé par les industries agro-alimentaires comme liant ou épaississant.
On peut alors manger des lentilles, des châtaignes, des légumes secs, du maïs, du riz, du sarrasin, des pommes de terre, du millet ou du sorgho.
Les adeptes du No GLu
Mais, au fond, à qui convient le régime sans gluten ?
Ce régime dont on parle tant pour le moment, était initialement uniquement réservé aux personnes intolérantes au gluten.
Depuis quelques années s’y ajoute toute une catégorie de consommateurs, qui se disent hypersensibles au gluten. Ces personnes représenteraient environ 3 à 6 % de la population.
Et puis, il y a toutes ces indications un peu floues, sujettes à longs débats au sein de la communauté médicale : sésame pour obtenir le ventre plat, allié pour une balance sympa, traitement des troubles de l’attention, des maladies inflammatoires etc…
En somme, le No Glu serait-il le nouveau graal d’une vie plus saine ?
La maladie coeliaque
Tout d’abord, il y a ceux pour qui ce régime est vital. Environ 1 % de la population générale ne tolère absolument pas le gluten. Ces personnes souffrent de la maladie coeliaque.
Quand elles en ingèrent, le gluten provoque une réaction immunitaire anormale entraînant une dégradation des parois de l’intestin grêle. A terme, la surface de l’intestin se réduit et entraîne une mauvaise absorption des aliments.
Cela provoque des carences alimentaires et des retards de croissance chez les enfants.
Pour les adultes, elle est à l’origine de fatigue, diarrhées, perte de poids, anémie, douleur musculaire et ostéoporose.
Les patients ne traitant pas cette maladie ont un risque élevé de complications. Cela accentue également le risque global de cancer, tumeurs de l’intestin grêle et lymphomes malins.
L’allergie au blé
Parmi les indications évidentes, il y a aussi cette très faible proportion de la population (moins de 0,2%), surtout des enfants, qui présentent une allergie au blé. Celle-ci disparait souvent à l’âge adulte.
Dans une allergie, les symptômes se manifestent juste après la consommation du produit, et on peut détecter des immunoglobulines.
Plusieurs composants du blé peuvent être à la source de l’allergie, les protéines (dont le gluten, mais pas seulement) jouant un rôle principal.
Sensibilité au gluten non coeliaque
La littérature scientifique (et surtout la presse populaire et malheureusement le marketing, qui a trouvé un marché de niche très lucratif) rapporte que certaines personnes présentent une sensibilité au gluten.
Ceux-ci ne montrent pas les signes biologiques ou cliniques types de la maladie cœliaque : ils n’ont pas les anticorps spécifiques ni des dommages à la muqueuse intestinale.
Et pourtant, la consommation de gluten provoquerait le même type de symptômes : douleurs abdominales, ballonnements, désordres intestinaux (diarrhée ou constipation), mal de tête, fatigue, douleurs articulaires et musculaires, engourdissement des bras et des jambes, problèmes de peau, dépression et anémie.
C’est ce qu’on appelle la sensibilité au gluten non cœliaque.
Ce sujet difficile à définir et à identifier présente de nombreuses zones d’ombres : sensibilité permanente ou transitoire ? Existe-t-il des facteurs de risques liés à l’âge, au sexe, à l’ethnie ? Quelles sont les doses minimales qui provoquent des réactions ? Contrairement à la coeliaquie, une certaine quantité de gluten pourrait être tolérée.
Amélioration de la digestion ?
Le lien entre gluten et digestion (hors intolérance avérée) est assez flou et controversé.
Selon une étude publiée dans NBCI, près de 13% des personnes qui suivent un régime sans gluten se sont auto-diagnostiquées sans avis médical et ce chiffre est en hausse chaque année.
Quand certaines personnes arrêtent de manger du pain, elles se sentent mieux. Mais incriminer le gluten est souvent une erreur. Pourquoi ?
- Le pain courant, par exemple, contient aussi une dizaine d’additifs qui ne sont pas forcément bien tolérés.
- Quand on retire toutes les sources de gluten, on retire une bonne partie de la « malbouffe » : fast-foods, biscuiteries, snackings etc, riches en graisses et sucres. Or c’est justement pour cela que l’état s’améliore.
- On mélange souvent la sensibilité au gluten avec celle aux sucres fermentescibles.
FODMAP et Gluten ?
Certaines personnes souffrant de syndrome d’intestin irritable sont soumises à un régime pauvre en FODMAP dans le but de les soulager.
Ce régime consiste à éliminer les polyos (sorbitol, maltitol etc) et les oligo-, Di- et Mono-saccharides fermentescibles, selon un protocole bien précis visant à identifier l’aliment (ou les aliments) à l’origine du trouble chez le patient.
Pourquoi ces aliments précis ? Et bien, ces FODMAPS ne sont pas absorbés dans l’intestin grêle et passent dans le gros intestin, où des bactéries les fermentent. La production gazeuse qui en résulte peut provoquer ballonnements et flatulences.
Intolérance au FODMAP et sensibilité au gluten sont souvent confondus, parce que, parmi les FODMAPS à éviter en cas d’intestin irritable, il y a une catégorie d’aliments qui s’appelle les fructanes.
Or ces fructanes sont présents notamment dans le blé, lui-même aussi source de gluten.
Guérison de pathologies inflammatoires ?
A ce jour, aucune preuve scientifique ne vient appuyer les thèses liant pathologies auto-immunes et inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde, par exemple) avec le gluten.
Cette théorie est celle défendue notamment par les adeptes du régime « hypotoxique » Seignalet, mélange draconien et dangereusement déséquilibré de régime paléolithique, d’instinctothérapie et de Kousmine.
Néanmoins, si ces patients anti-gluten se sentent mieux ainsi, j’en suis ravie. Par contre, pour leur sécurité (risque de carences avéré), je les inciterais à se faire suivre par un diététicien ou un médecin nutritionniste, gages de prudence scientifique.
La science est en constante évolution, et l’on découvre chaque jour davantage sur cet extraordinaire organe immunitaire qu’est notre intestin. Il convient donc de garder l’esprit (prudemment) ouvert.
Régime amincissant ?
De nombreux blogs vantent par contre le pouvoir amincissant du régime sans gluten. Voici le genre d’argument soulevé :
« Côté nutrition, il est contenu principalement dans des plats à fort index glycémique. La conséquence est un effet immédiat sur le ventre et un gonflement. Les éviter est gage de kilos perdus. Cela permet de consommer plus de fruits et légumes. Cet apport en fibres offre une meilleure digestion et diminue la charge calorique du repas. Il permet de perdre du ventre… »
Désolée, mais ce qu’on raconte est un peu du grand n’importe quoi…
Le gluten ne fait pas grossir ! Ce qui fait grossir, c’est l’excès de sucre et de graisses de l’alimentation, associé à un manque d’activité physique.
Or, les produits de substitution sont réalisés à partir de farines pauvres en fibres et présentent souvent des index glycémiques peu intéressants.
Par contre, le seul argument « pro amincissement » que je vois du No Glu, c’est qu’on est vite contraint à cuisiner beaucoup soi-même. Le gluten est en effet omniprésent ! Or, il est communément admis que lorsqu’on cuisine soi-même, on perd plus facilement du poids.
Traitement de l’autisme ?
Les chercheurs s’intéressent de plus en plus aux effets de l’alimentation sur des maladies telles que l’autisme, l’hyperactivité ou le déficit d’attention.
D’autres recherches sont encore nécessaires, mais une piste intéressante à suivre serait le lien entre la perméabilité intestinale (notamment au gluten, mais ce n’est pas tout) et ces maladies.
Et les autres adeptes ?
En dehors des prescriptions précises liées à l’intolérance au gluten, on constate que le No Glu est véhiculé comme symbole d’alimentation « Healthy », dans le même ordre que le « Vegan » et le « Bio ».
Le NO GLU n’a rien d’écologique !
C’est ici qu’il y a un truc que je ne comprends plus du tout. Il y a cet énorme amalgame créé entre le bio, le healthy et le No Glu. La preuve, ce sont ces restos branchés « healthy » et sans gluten.
Entendons-nous bien, je suis depuis toujours très impliquée dans la préservation de l’environnement.
La durabilité de l’alimentation, c’est s’assurer qu’elle soit viable, vivable et équitable.
Alors, en quoi le fait de remplacer une céréale cultivée depuis l’époque préhistorique dans nos régions par une autre est-elle durable ?
Je suis d’accord d’avoir recours à du blé de proximité et non traité, produit par un agriculteur bien rémunéré. Mais me concocter des crêpes de quinoa ou de riz venu du bout du monde est absurde si je n’en ai pas besoin pour vivre !
Moi, docteur !
Les crises alimentaires, exacerbés par les médias, ont créé une vague de méfiance, pas toujours justifiées, vis-à-vis de la nourriture. Nous semblons oublier que c’est quand même grâce à la science que l’homme vit de plus en plus longtemps.
Or, de plus en plus, et ce grâce aux réseaux sociaux et internet, notre assiette est vécue comme une « ordonnance » pour laquelle nous devenons notre propre médecin.
Aujourd’hui, les nouveaux adeptes du No Glu, ce sont cette population urbaine, principalement féminine et surinformée. La même qui fréquente la salle de yoga, en train de s’approvisionner en kale et goji ou dans un bar à green juices.
Le No Glu, c’est trendy.
Pâtisseries, salons de thé, pizzerias, épiceries fines ou snacks : les concepts qui surfent sur cette vague du sans gluten pullulent dans les grandes villes et attirent de nombreux adeptes.
Le tout dans une ambiance délicieusement trendy dans laquelle les hipsters du 11ème s’empressent de venir déguster leur muffin à 5 euros.
Oui parce que le No Glu, c’est aussi très cher.
Avantages
Comme dans toutes mes analyses de régime, je vous propose ces quelques avantages :
- Diminution de la malbouffe, parce qu’on est forcé de cuisiner soi-même.
- Entraine une réflexion sur sa façon de manger.
- Dans des cas bien précis : amélioration de la digestion.
Inconvénients
Le régime sans gluten est un régime compliqué, qu’il convient de suivre sous contrôle d’un(e) diététicien(ne) expérimenté(e).
- Son coût est élevé.
- Risque de carences nutritionnelles (vitamines et fer notamment) bien réel. Ce risques est aggravé si on lui associe d’autres restrictions, telles que le végétarisme, le sans lactose etc…
- Qualité nutritionnelle moindre, surtout à cause du taux de protéines qui est trop faible. En plus, de très nombreux produits sans gluten sont plus gras, plus sucrés que leur équivalent avec gluten.
- Risque métabolique : Des études ont prouvé l’augmentation du risque cardio-vasculaire ( BMJ (British medical journal) et des troubles de la glycémie lors de la pratique de ce régime.
- Augmentation de la faim: L’absence de gluten et la présence de farine de riz ou de maïs font augmenter considérablement et très rapidement le taux de glycémie. Une montée en flèche qui provoque une sensation de fringale et un coup de pompe peu de temps après le repas.
- Intoxication : un risque plus élevé d’exposition à certaines toxines existe si le régime n’est pas assez diversifié. Par exemple, une exposition à l’arsenic dans le cas d’une consommation élevée de riz.
Conclusion
Indispensable pour 1% de la population, justifiable pour 3 à 6 %, le régime sans gluten est malheureusement un phénomène de mode pour beaucoup de monde.
Cette situation porte un énorme préjudice aux véritables intolérants au gluten, qui ne sont pas toujours pris au sérieux. Ainsi, cela augmenterait le risque de consommation accidentelle de gluten, notamment par négligence des restaurateurs.
De plus, selon l’Association française des intolérants au gluten (Afdiag), 80% des cas de maladies cœliaques ne seraient pas diagnostiqués.
Pour cette raison, si vous suspectez une intolérance au gluten, ne commencez pas ce régime tête baissée. La première chose à faire est de vous rendre chez un gastro-entérologue et de vous faire dépister pour la coeliaquie. Un retrait du gluten avant ces examens risque de donner des « faux négatifs ». Or, ce n’est que sur base de ses examens que vous saurez si l’éviction du gluten est vraiment nécessaire.
Par contre, dans toutes les autres situations, et particulièrement pour maigrir ou avoir un ventre plat, cela ne sert strictement à rien. Pire, cela peut carrément être dangereux pour votre santé.
Trendy ou non, oubliez donc vite ce régime s’il ne relève pas d’une réelle nécessité.
Sur ce, à bientôt pour une nouvelle analyse de régime alimentaire !
Ingrid
sources
- http://www.elle.fr/Minceur/Dossiers-minceur/Avantages-inconvenients-d-un-regime-sans-gluten-2868838
- https://www.consoglobe.com/gluten-regime-sans-cg
- http://sante.lefigaro.fr/article/regime-sans-gluten-pourquoi-est-il-si-populaire-/
- https://www.foodinaction.com
- https://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Dossiers/DossierComplexe.aspx?doc=abandonner-le-gluten-le-regime-sans-gluten-un-vrai-interet-
- https://www.cerin.org/etudes/mode-regime-gluten-passee-crible-de-lappareil-scientifique/
- https://www.agriculture-environnement.fr/2017/09/18/regime-sans-gluten-un-regime-a-risque
- http://vivresansgluten.be
Située à Braine-le-Château (Brabant Wallon), Ingrid Hantson est diététicienne-Nutritionniste agréée et Home Organiser de la Elodie Wery Académie.
Un mode de vie désencombré du superflu apporte confiance, sécurité et bien-être.
Rangement, organisation et diététique : la combinaison parfaite, non ?
J’ai acheté le livre le livre de N Djokovic « service gagnant », une alimentation sans gluten.
J’aurais pu m’en dispenser si votre article était paru plus tôt, mais c’est la collection pocket, de surcroit d’occasion.
Vous m’épargnez la lecture, merci.
Comme à chaque billet, je vous félicite pour votre prose.
Au plaisir de vous lire.
danielle
merci à vous, Danielle ! C’est vrai qu’avec toute cette cacophonie alimentaire, on ne sait plus toujours que croire… bonne journée et à bientôt,
Ingrid